Visiter l’exposition Nicolas de Staël au musée d’Art Moderne de Paris. Cette exposition réunira 220 tableaux, dessins, gravures et carnets. Elle révélera un génie pour qui la peinture était vitale. Passant de l’abstraction à la figuration il réalisa un milliers d’œuvres après en avoir détruit tout autant. Artiste maudit et génial qui se suicida à 42 ans…
UNE ENFANCE MEURTRIE PAR LA REVOLUTION RUSSE
Nicolas de Staël est un artiste d’origine russe, né dans une famille aristocrate à St Saint-Pétersbourg en 1914. Son père est vice-gouverneur de la forteresse Pierre et Paul de saint Pétersbourg et proche de Nicolas II. Aussi la Révolution de 1917 les menace au point que les Staël décident de fuir. Ils arrivent en janvier 1919 à Vilnius, Nicolas a 6 ans.Un un an plus tard, le père de Nicolas décède de façon impromptue et quelques temps après, c’est au tour de sa mère de disparaître.
La marraine de Nicolas le place dans une famille russe d’accueil à Bruxelles. Nicolas va à l’école, apprend le français et se passionne pour la littérature. Il montre des prédispositions pour le dessin, admire Rembrandt et Vermeer et fréquente les galeries et les antiquaires. Mais à la fin de ses études, il n’obtient pas son certificat d’études. Il décide alors d’être peintre. En 1933 à l’Académie Royale de peinture de Bruxelles.
Il entre ensuite à l’Académie saint Gilles où il est l’élève de Vlaminck qui le surnomme « le prince ». Puis il voyage en Hollande et en France où il découvre Cézanne, Matisse et Braque. En 1935 il est en Italie, puis dans le sud de la France, en Espagne aussi. Il arrive au Maroc à l’été 1935 et rencontre sur place le peintre Jeannine Guillou et en tombe très amoureux. La jeune femme est mariée mais ils s’installent à Paris dans un atelier de fortune. Mais il ne trouve pas son style. En revanche Jeannine Guillou est déjà connue et elle vend ses œuvres.
L’AMOUR ET LA PEINTURE
Puis éclate la guerre. On l’affecte dans la Légion Etrangère au service des cartes d’Etat Major en Algérie puis en Tunisie. Après la débâcle il rejoint Jeanine à Nice, avec Robert et Sonia Delaunay . Mais l’état de Jeannine s’est empiré et Nicolas ne cesse de peindre. Il cherche sa voie mais on le sent attiré par l’abstraction. Mais ses œuvres lui paraissent au-dessous de ce qu’il a dans la tête.
En 1943 le couple s’installe à Paris Nicolas de Staël expose dans la galerie de Jeanne Bucher aux côtés de Vassily Kandinsky. Il travaille beaucoup.
Malheureusement on ne connaît presque rien de la production de cette période car il jette toute sa production. Le couple Staël a une fille, Anne, qui va inspirer l’artiste. Il peint des centaines d’œuvres dans un style qui est le sien et il en détruit tout autant. A cette époque, sa pâte est plutôt fluide et les couleurs vives. Mais en 1942 il rompt avec la figuration et passe à l’abstrait en utilisant une pâte de plus en plus épaisse.
Nicolas de Staël adopte un style sans concession où la couleur pulvérise la toile. Nous sommes au printemps 1943, et l’artiste sent qu’il est en train de trouver sa voie. Les figures sont géométriques couvertes de barreaux de négations ou de triangles explosifs et la matière très dense, accumulée, stratifiée. Ce sera du reste le sujet de toute sa vie. La touche est variée, la pâte épaisse. On y sent une influence de Braque mais aussi de Kandinsky et Delaunay. Jeannine de son côté est très affaiblie et s’est arrêté de peindre.
En effet, avec la guerre, la malnutrition, l’Occupation, Jeannine décède brutalement en 1946 à un moment à Nicolas décroche un contrat avec la galerie Jacques Dubourg. Mais Nicolas est très affecté par cette disparition qui lui donne des vertiges de désespoir. Le vertige, j’y tiens, moi ! Dira-t’il quelques années plus tard.
DE L’ABSTRACTION A LA FIGURATION
La production des années 1945-1946 alterne entre couleurs lumineuses ou alors incendiaires. On sent un caractère ombrageux qui se remet constamment en question, il change constamment de couleur et de style sans hésiter à revenir au figuratif. Mais pour lui sa démarche n’est pas révolutionnaire.
L’art de Nicolas de Staël change de forme et passe de l’Abstraction à la Figuration, ce qui sera mal compris chez les critiques de l’époque. André Chastel parlera alors d’involution.
En 1952 il s’installe à Antibes où il restera jusqu’à la fin de sa vie. Il assiste au match France Suède en mars 1952. Il est séduit par le dynamisme et l’affrontement parfois violent des joueurs. Aussi réalise-t’il toute une série sur la thématique du football, ce qui est rare à l’époque. Il réalise pas moins de 20 tableaux Ses toiles se vendent bien au oint que son galeriste organise une exposition à New York. Paul Rosenberg le remarque et lui fait de suite signer un contrat d’exclusivité.
Il s’isole dans le Lubéron et peint seul, jusqu’à l’épuisement , de nombreuses toiles grandes. Il entame aussi des séries qui le montre infatigable admirateur des paysages du monde.
Mais certaines toiles nous rappellent Braque, d’autres se rapprochent de Paul Klee, dans ses aplats de couleurs posés en carré et ses perspectives imaginaires. On pense aussi à Serge Poliakoff pour le travail de la matière. Nicolas de Staël parle de sa peinture comme une nécessité, d’un besoin vital.
DERNIERE ANNEE EN PROVENCE
A la même époque René Char son ami, l’incite à venir en Provence et lui trouve à louer une maison à Lagnes qui appartient à ses amis Polge. Nicolas a alors 40 ans, et il a peint près d’un millier d’œuvres et en a détruit tut autant. Il rencontre Jeanne Polge, née Mathieu, mariée sans enfants. Il en tombe éperdument amoureux et ses traits lui rappellent ceux de Jeaninne. Nicolas dira «J’ai besoin de cette fille pour m’abîmer, je n’en ai pas besoin pour peindre et c’est grâce à elle que je travaille tant malgré tout. Que comprendre là-dedans.» Il lui offre sa peinture, sa vie le mariage …tout. Mais elle lui rappelle qu’elle est mariée et qu’elle ne quittera jamais son mari. Il ne le supporte pas, au point qu’il lui demande de partir en Italie avec lui et son épouse et elle ne viendra pas.
Cette dernière année de Provence nous dévoile un peintre heureux. Il découvre cette région magnifique grâce à René Char et peint beaucoup. Mais le doute permanent le fait régulièrement vaciller et l’artiste conclue qu’il ne fait que se mentir sur la souffrance de sa vie. Ses blessures d’enfance en sont la cause, mais aussi sans doute les refus de Jeanne et les vertiges qui le mettent en abîme et lui permettent de créer.
Exténué physiquement et moralement, il met fin à ses jours le 16 mars 1955, en se jetant de sa terrasse d’Antibes.
Véronique Proust
Visiter l’exposition Nicolas de Staël au musée d’Art Moderne de Paris, du 15 septembre au 21 Janvier 2024.
Renseignements au 01 42 80 01 54