Le Greco le peintre de Tolède. Ce peintre immense origine de Grèce apporte dans la capitale espagole de Philippe II une peinture de grande nouveauté. En effet, on y retrouve les lumières de Venise et les contorsion de Tintoret. Mais le Greco y ajoute une dimension mystique et une nouvelle conception formelle.
Lorsque le Greco arrive à Tolède, où il réalisera une grande partie de sa carrière, il a déjà une solide formation auprès des maîtres vénitiens maniéristes. Du Titien, il a appris la somptuosité des étoffes et une certaine matière cristalline. Ainsi, il est recommandé à Rome en 1570 auprès du cardinal Farnèse comme un bon élève du Titien. Cependant, le style maniériste de Bassano, avec ses chromatisme prononcés se ressentent aussi dans sa peinture. Mais c’est surtout le Tintoret qui a le plus marqué le jeune Domenikos Théotokopulos. Les corps étirés et les couleurs chargées de noirs et de blancs donnent à ses compositions un aspect mystique et aérien.
Car le Greco est grec. Né à Candie, en Crète, alors sous domination vénitienne, le peintre a tôt fait de joindre la cité lacustre pour y parfaire sa formation. Mais la concurrence est rude et les commanditaires moins nombreux et plus exigeants. Il décide de se rendre en Espagne à Tolède, dans l’espoir de séduire la cour espagnole déjà familière de la peinture du Titien. Si son art ne plaît pas totalement au roi Philippe II, l’artiste sait cependant séduire les congrégations religieuses. En effet, ses compositions verticales et ascensionnelles, ses chromatismes précieux et presque affectés fascinent. Ils conviennent bien au message mystique que l’Église veut donner.
Une des premières commandes de l’artiste à Tolède est l’Assomption de la Vierge de l’Art Institute of Chicago. Magnifiquement restauré, cet élément de retable sera l’une des pièces majeures de l’exposition. Monumentale, la toile est séparée en deux parties, celle du monde terrestre et celle du ciel que rejoint le Vierge. Les apôtres disposés en plusieurs groupes s’interrogent sur le mystère de cette Assomption. L’artiste met en valeur leur questionnement par un jeu subtil de mains aux longs doigts effilés. Le traitement des drapés et l’organisation spatiale ont encore des connotations vénitiennes. Mais l’étirement des corps, la souplesse des poses et les couleurs profondes aux glacis subtils sont résolument nouveaux.
La toile devait être accompagnée de neuf peintures et cinq sculptures encadrées de décors architecturaux , ce qui constituait pour l’artiste un véritable défi. Par la suite, le Greco va réaliser de nombreux portraits de saints pour les différentes congrégations religieuses de Tolède. Déployant les amitiés intellectuelles qu’il avait entériné à Rome, il se lie d’amitié avec les grands humanistes qu’il portraiture. Il réalise ensuite de nombreux tableaux d’autels et de dévotion dont l’élément le plus connu est sans doute L’enterrement du comte d’Orgaz.
D’emblée ses compositions correspondent à une véritable réflexion sur la théologie et sur le message que l’Eglise de la Contre Réforme et de l’Inquisition veut faire passer. Pour s’imposer dans ces nouvelles iconographiques, l’artiste développe un style lumineux, transparent, mystique et aéré qui plaît à l’Église. Mais les compositions coupant parfois deux plans différents, mettant en scène des corps d’ascète comme irradiés, transcendés par une lumière divine, ne sont en fait que l’annonce d’une nouvelle peinture d’une modernité exemplaire.
Véronique Proust