Trésors de la Voûte Verte de Dresde. Le musée du Luxembourg a revisité cette collection inestimable au cours d’une exposition, retour sur cet évènement. Elle pose la question de la valeur du Cabinet de Curiosité au XVIe siècle et de son message politique. Fondé en 1723 par le prince électeur de Saxe, Frédéric Auguste le Fort, ce cabinet abrite des joyaux provenant du monde entier. Il témoigne de l’intérêt du prince pour la rareté et la curiosité. Il rappelle aussi son soucis de renforcer son prestige sur la scène européenne.
Dès le XVIe siècle, le goût pour la curiosité fascine toutes les cours d’Europe. Elle est d’abord le reflet de la découverte du monde et ses merveilles. Les unes sont qualifiées de bizarreries, les autres de créatures de Dieu.
Avec la découverte du Nouveau Monde, ces merveilles arrivent sur les marchés. Mais elles éveillent dans l’oreille des princes, une idée d’appropriation. Et cette dernière leur permet de véhiculer l’image que ce sont eux les maîtres du monde.
Dès lors, on prend l’habitude de subdiviser ces curiosités en quatre catégories principales:
Les Naturalias qui regroupent les animaux et insectes naturalisés, les herbiers, les coquillages ou les coraux.
Suivent les exoticas qui regroupent les gemmes de toute sorte y compris les oeufs d’Autruche
Puis, les artificalia qui sont des pièces naturelles montées en bronze, laiton ou or et donc retravaillées par la main de l’homme.
Enfin, les Scientifica sont en réalité des outils scientifiques fabriqués par l’homme afin de comprendre le monde. Ce sont alors les cadrans solaires, les astrolabes, les compas ou horloges.
Le rôle de la Compagnie des Indes dans la connaissance de la faune et de la flore est de première importance. Pour exemple, la carrière de Zacharias Wagner, né à Dresde en 1614 et employé dans la fameuse V.O.C est significative. Son Livre des animaux réalisé entre autre en Batavia a permis une connaissance plus pointue des espèces non visibles en Europe. Cela favorisa aussi en Hollande, le goût pour les natures mortes de toute sorte de fleurs et coquillages que les commerçants collectionnaient jalousement.
Par ailleurs, l’amour des coquillages se mesure à la beauté des planches de coquillages et escargots de mer que réalisent les artistes voyageurs. Ils fascinaient les artistes et les collectionneurs pour leur forme, véritable spirale logarithmique. En effet, leur perfection mathématique les rangeaient parmi les créations de Dieu. On importait ces coquillages en grande quantité, que les marins pouvaient polir lors de leur retour en Europe. On classait alors ces coquilles parmi les naturalia avec les cornes de licorne par exemple. Mais elles devenaient artificalia dès lors que les artistes les travaillaient. UN grand nombre d’entre se trouvait à Nuremberg.
Ces derniers utilisaient les plus beaux nautiles, pour les associer à des vaisseaux imaginaires ou des calèches trainées par une licorne. Ils les montaient sur toute sorte de support, éléphant d’argent, ou dauphins stylisés en bronze doré ou en laiton. Parfois ils utilisaient d’autres matériaux comme le corail. L’exemple de la Daphné nous démontre l’imagination que peuvent avoir ces artistes, en choisissant la thématique de la transformation de la matière, sujet cher à nos collectionneurs.
Parfois, les artistes ne travaillent que la nacre des coquillages. Ils l’utilisent par petits morceaux carrés qu’ils assemblent, telle une mosaïque, pour le décor de coffret ou de grand plat d’apparat.
Ces collections d’artificalia comportent aussi des ivoires tournés. Et les princes eux-mêmes apprenaient à tourner l’ivoire. C’était un métier manuel aristocrate, qui alliait la connaissance mathématique et la précision. On pense au beau tour à guillocher l’ivoire du château de Rosenborg à Copenhague. Mais on sait qu »il existait aussi des tourneurs et de très belles collections à Florence, Vienne et à Dresde.
De façon générale, on constate qu’Auguste le Fort avait une nette préférence pour les Scientifica et pour toute sorte d’instruments scientifiques. Il fit l’acquisition de plusieurs horloges remarquables. Mais sa collection comprenait aussi des astrolabes, des lunettes astronomiques et des globes de toute sorte.
Ces derniers instruments témoignent de l’intérêt général que portent les princes aux découvertes de nouvelles terres. On pense évidemment aux rapports que Rodolphe II entretenait avec Kepler et Copernic. Et l’on notera que les éditeurs hollandais soignaient les éditions des globes terrestres et des cartographies qui sortaient de leur atelier. En effet, ces cartes tenaient compte systématiquement des nouvelles découvertes faites par les Hollandais et les Portugais en Asie ou sur les côtes australiennes.
La collection de Dresde comprend également des porcelaines de Chine que la V.O.C importait massivement. Auguste le Fort en acheta d’abord par goût. Puis il eut le désir de fournir de nouvelles sources d’inspiration aux artisans de la manufacture qu’il venait de créer à Meissen. Le prince avait aussi une arrière pensée politique. En effet, pour lui a Chine ne devait pas être la seule à fournir des porcelaines et faïence. Et la Saxe avait aussi sa place dans ce commerce international lucratif.
Exposition à visiter en groupe tous les jours sauf le dimanche sous certaines conditions. Renseignements 01 42 80 01 54