Sarah Bernhardt actrice de la Comédie Française
LES ANNEES D’APPRENTISSAGE DU CONSERVATOIRE A LA COMEDIE FRANCAISE
Sarah Bernhardt est née le 25 septembre 1844.
La fillette est d’abord élevée dans une pension à Auteuil puis au couvent de Grandchamp à Versailles. A la fête de fin d’année elle remplace dans une pièce de théâtre une des camarades défaillantes et découvre sa voix. A la fin de ses études un conseil de famille cherche à lui trouver un avenir. Devant l’hésitation générale, le duc de Morny qui assistait à la scène, excédé, lance « Faites-lui faire du théâtre ! ». Puis il quitte la pièce. Sans le savoir, il venait de sceller le destin de Sarah.
En 1861, âgée de 17 ans, Sarah entre donc au Conservatoire d’art dramatique et travaille d’arrache-pied. Mais elle n’obtiendra que le second Prix.
Acceptant de faire un remplacement pour le rôle d’Iphigénie elle entre à la Comédie Française. Là elle apprend les rouages de cette grande institution mais aussi ses défaillances. Les horaires décalés, les préséances et les jalousies, les multiples attitudes discourtoises. Un jour elle gifle une de ses rivales et refuse de s’excuser. Elle est renvoyée sur le champ.
S’ensuit alors une période de grandes difficultés qui l’envoie dans une carrière de courtisane. C’est dans ce cadre qu’elle rencontre le prince de Ligne, avec qui elle aura un garçon, Maurice. Le père ne reconnaîtra pas l’enfant.
Au printemps 1866, le ciel s’éclaircit. On lui propose un remplacement au théâtre de l’Odéon. Elle saute sur l’occasion et signe un contrat de 3 ans.
Sarah débute avec les Jeux de l’amour et du hasard. Dès le 15 août 1866, elle joue le rôle d’Aricie du Phèdre de Racine. Puis, elle interprète une pièce qu’elle jouera toute sa vie avec une ferveur constante : Le Passant de François Coppée. A l’Odéon, j’étais heureuse écrit-elle dans son journal, on ne pensait qu’à monter des pièces. On répétait le matin, l’après-midi, tout le temps. J’adorais cela. Sarah reçoit des cachets réguliers et honorables.Ils lui permettent d’emménager dans son premier appartement parisien, 16 rue Auber.
LA GUERRE DE 1870 ET LE THEATRE DE L’ODEON
Dès le début des bombardements parisiens, Sarah s’engage dans le secourisme. Elle rassemble ainsi de la viande, du lait, du pain et des œufs. Les Rothchild lui font parvenir des barriques d’eau de vie et des caisses de vin. A l’Odéon, on place des lits de fortune que lui envoie le préfet de la Seine. On les installe dans les coulisses, sur la scène, partout où il y a de la place. Les Allemands bombardent la rive gauche et les obus frôlent le théâtre.
En 1871, la tempête est passée, la IIIe République est mise en place. Victor Hugo exilé par l’Empire, peut désormais revenir et voir jouer ses pièces. Le nom de Sarah Bernhardt est tout de suite prononcé. Elle est soutenu par l’administrateur Chilly mais à la mort de ce dernier, son contrat n’est pas renouvelée. Elle retourne alors à la Comédie Française.
RETOUR A LA COMEDIE FRANCAISE
Elle débute à la Comédie avec Mademoiselle de Belle-Isle de Francisque Sarcey , Le mariage de Figaro, puis elle s’attaque au rôle de Dalila. L’actrice a alors trente ans, elle est la coqueluche du Tout-Paris. Oscar Wilde, Henry James et bien d’autres encore viennent des quatre coins du monde pour la voir jouer. Elle est riche, célèbre et adulée. La tournée du Français à Londres étend Outre-Manche sa renommée. Elle enchaîne comédie et drame avec brio mais c’est véritablement dans ce dernier qu’elle excelle. Dans La Dame aux Camélias où elle meurt par amour, dans Fédora de Victorien Sardou, où elle s’empoisonne plutôt que de tuer l’assassin de son amant et plus tard dans Ruy Blas. Autant de classiques du répertoire dramatique qui font d’elle la star du théâtre. Sa voix ensorcelle. Ses représentations se jouent à guichet fermé.
Mais en 1880, elle décide de tenter sa chance aux Etats-Unis et dans toute l’Europe, après avoir crée sa propre compagnie. A Londres , elle se marie avec un acteur grec, Aristides Damala, mais leur relation ne dure pas ; ils resteront cependant mariés.
LOIN DE PARIS…
Lorsque Sarah raconte dans son journal son voyage aux États-Unis, le récit est digne d’un western. Elle parcourt un nombre incalculable de villes, rencontre toutes sortes de gens, des plus simples aux plus excentriques, joue sans relâche de nombreuses pièces et en multiplie les représentations. Et ces dernières rapportent des recettes inouïes.
Son manager Jarrett l’emmène d’abord à New York, puis Boston, Montréal, Springfield, Chicago et saint Louis. Certaines villes l’accueillent avec enthousiasme, d’autres sont plus mitigées.
Les déplacements à travers les États-Unis se font par un train spécial dans lequel l’actrice et sa troupe ont de véritables appartements.
Sarah retournera aux Etats-Unis lors d’une seconde tournée de 7 mois où les 156 représentations données à Philadelphie, Baltimore et New York l’auront couronné de gloire et couverte d’argent. En 1881 elle rejoint la France mais songe déjà à repartir en tournée. Saint Petersbourg, la Belgique, les Pays Bas et Copenhague. Mais ses tournées les plus rocambolesques sont sans doute celles qu’elle effectua en Amérique du sud.
En mai 1886, elle arrive à Rio de Janeiro avec son secrétaire, son majordome, deux domestiques, un perroquet, un nombre incalculable de valises et son fils Maurice, âgé alors de 22 ans. Elle présente de suite la Dame aux Camélias que le public attend tant, puis Fedora, Le Maître des Forges, et Frou-frou. Le succès est immédiat.
SARAH INTIME
Sarah n’a toujours fait que ce qu’elle voulait mais ses traits de caractère se doublent d’une incontestable excentricité qui façonne sa renommée.
A commencer par sa très célèbre ménagerie. Sarah adore les animaux pourvu qu’ils soient exotiques ou dangereux. Lors de sa tournée en Angleterre, elle décide d’acheter deux petits lions. Ne trouvant rien en boutique, c’est au zoo de Liverpool qu’elle acquiert finalement un guépard, celui-là même qui effraiera les passants dans un square de Londres. De temps à autre, elle porte sur son épaule son chimpanzé, Darwin, et lorsque ce dernier lui vole trop d’affaires, elle le remplace par un de ses dix caméléons ou bien un grand-duc. Elle va même jusqu’à assortir ses tenues aux couleurs de ses amis à plumes et à poil. Reynaldo Hahn s’en amuse quand il vient la voir et se demande jusqu’où elle ira.
Ces tenues lui permettent aussi de cultiver son image et elle utilise les talents de Nadar pour l’immortaliser dans ses rôles principaux. On la voit tantôt enturbannée et vêtue d’une robe de taffetas brodée de pierreries, tantôt couronnée d’un diadème crée par Lalique. Elle s’impose en effet un régime permanent, bien qu’elle ne déteste pas déguster les escargots du célèbre restaurant qui en porte le nom, rue de Montorgueil. Elle cède aussi à la timbale de ris de veau ou aux pâtes fraîches.
Le cercueil où elle prétend dormir fait partie de cette lubie. Pierre Loti stipule qu’il y avait aussi dans sa chambre un miroir orné d’une figure de vampire dont les ailes se déploient de chaque côté de la glace.
Sarah a-t’elle été heureuse en amour ? Ses liaisons multiples ont rempli sa vie de joies comme de cruautés. De son premier amant Keratry, elle apprend la sensualité et la bonne chère. Charles Haas lui fait connaître le Tout-Paris mondain à ses débuts, Pierre Loti la fait rire de ses poèmes fantasques et de ses exubérances, le prince de Ligne lui donne un fils. Il le reconnaîtra bien des années plus tard. Il lui proposera même de lui donner son nom, ce que Maurice refusera, trouvant plus honorable de s’appeler Bernhardt.
LES ANNEES DE GLOIRE ET LE CREPUSCULE
Lorsqu’elle revient des Etats-Unis, le répertoire des pièces a évolué, le public aussi. Les spectacles de Paris se sont aussi considérablement diversifiés. Sur les Grands Boulevards, apparaissent les cafés-concerts. On écoute la conteuse Yvette Guibert ou l’on va voir la Goulue danser. On multiplie le fiacre-réclame et l’homme sandwich, pour annoncer une variété de spectacles sans cesse renouvelée.
Qu’à cela tienne, les parisiens verront son visage à tout les coins de rue selon la mode visuelle du moment et dans ce cadre, sa rencontre avec le peintre praguois Alphonse Mucha s’avère fondamentale.Elle ne le regrettera pas car dès les premières affiches, elle se rend compte de leur qualité visuelle indéniable. Elle signe avec lui un contrat de 6 ans.
En 1894, elle prend la direction du théâtre de la Renaissance.Mais ce qui détermine le plus sa vie du moment est sans aucun doute, sa rencontre avec les Guitry
De nouvelles têtes font aussi leur apparition : Jules Renard, Alphonse Allais ou André Antoine. Mais le bilan financier du théâtre sera catastrophique.
Elle prend alors la direction du théâtre du Châtelet. Le 15 Mars 1900, c’est la Première de l’Aiglon au théâtre Sarah Bernhardt. Notre actrice âgée de 56 ans a la taille de guêpe et sa voix claire et même presque enfantine envoie sur scène la complainte du soldat abandonné. Le public encore affecté par la défaite de 70 et d’une sensiblerie patriotique exacerbée par l’affaire Dreyfus, tombe littéralement sous le charme de la pièce et du jeu de Sarah Bernhardt.
Une très belle carrière s’ouvre à elle à la direction de ce théâtre.
Mais les années 20 sont plus sombres. Sarah voit ses amis partir. Mounet-Sully, Edmond Rostand, Pierre Loti…
En 1920, Sarah a 76 ans, et joue Athalie. Elle a gardé sa voix pure, parfois frêle et légère et fascine encore son public. Dans son appartement où les bouquets de lilas blancs voisinent avec des hottes de mimosas où des palmiers touchent le plafond, elle répète son rôle pour jouer les pièces que Sacha Guitry lui propose.
En décembre 1922, elle travaille avec Sacha Guitry qui lui propose de jouer dans une nouvelle pièce Un sujet de roman. Puis en mars de l’année suivante, un agent venu d’Hollywood lui propose de tourner la Voyante un film de Sacha Guitry. Mais à la fin de la séquence, la comédienne s’effondre.
Désormais alitée, elle reçoit les médecins qui tentent de la soulager mais sa santé se dégrade très vite. Les bulletins de santé sont diffusés dans le monde entier sans qu’elle le sache, si bien que son public est presque préparé à sa disparition. Le 23 mars, elle demande à voir son fils. Aussitôt le boulevard Pereire se remplit d’une foule immense venue rendre hommage à sa Dame.
Et les yeux rivés sur cette fenêtre d’hôtel désormais fermée à jamais, chacun se rappelle intimement cette phrase que Victor Hugo a prononcé jadis : « J’aurais aimé être son Ruy Blas ».