Madame Sans-Gêne. La femme du maréchal Lefebvre défraya la chronique au temps de Napoléon pour son franc-parler. En effet, malgré les promotions de son époux, elle n’oublia jamais ses origines modestes. Contrairement au maréchal qui soutiendra les Bourbons après les Cent Jours, elle resta toujours fidèle à l’empereur.
En novembre 1799, Bonaparte s’installe au Luxembourg comme Premier Consul grâce à l’appui du général Lefebvre. Naturellement ce dernier présente son épouse au Consul. Et la petite dame replète âgée de 47 ans, aurait pu lui paraître bien laide si ce n’est l’extraordinaire mobilité de son visage et de ses yeux. Catherine Hübscher n’était pas habillée comme une Merveilleuse. De plus, son origine était modeste. On l’avait placée “en condition” à 16 ans. Puis elle avait travaillé comme blanchisseuse faubourg Poissonnière. Enfin, elle avait épousé un jeune sous-officier en 1783 en l’église de Montmartre.
La jeune femme donna à son époux 14 enfants et en perdit 13. Elle les éleva jusqu’à la mort tout en apprenant à lire et écrire. Quant à son mari, il partit défendre les frontières françaises, et perdit une partie de son bras gauche. Il demanda une retraite de 35 ans de service. Le Consul la lui refusa tout en lui confiant le commandement de la division militaire de Paris. Durant les 4 années du Consulat, Catherine voit rarement le Consul et Joséphine . Pour autant Lefebvre est nommé sénateur et la famille s’installe naturellement au Luxembourg.
Lorsque Napoléon devient empereur, il transforme aussitôt le mari de Catherine en maréchal d’Empire et la famille s’installe dans un confortable hôtel. C’est une opulente demeure qui longe les jardins du Luxembourg. Catherine y dirige de main de maître une importante domesticité. En effet, rien ne lui échappe en comptabilité et raille son mari quand ce dernier prête de l’argent à une famille qui les avait jadis méprisés lorsqu’ils étaient dans la même situation. Elle est présente à toutes les réceptions de l’empereur et se refuse à mimer les bonnes manières de la nouvelle aristocratie.
Cela évidemment attire la jalousie des autres femmes qui la trouvent vulgaire. La verdeur de ses propos et la publicité maligne qu’on lui confère, contribuent à lui faire un vrai renom dans la capitale. On pourrait croire que Napoléon en serait irrité, point du tout. En 1808 l’empereur a pour projet de dessiner une aristocratie nouvelle et va se servir des dons de Catherine pour établir sa politique. En effet, les épouses du maréchal Ney ou Lannes sont bourgeoises alors que Catherine est une fille du peuple, comme Napoléon. Il tient Catherine pour une épouse fidèle, qui n’a jamais réchigné aus xervitudes d’une femme de soldat.
Pour parvenir à ses fins, Napoléon lui donne l’occasion de se distinguer à Iena, mais cette distinction est mitgée. Il l’envoie alors à Eylau pour libérer Dantzig, mais Lefebvre ignore comment libérer une place forte. Mais il obéit et y parvient après un siège interminable. Pendant ce temps, la maréchale s’encquiert d’élever ses enfants et deles nourrir. Lorsqu’elle reçoit à saint Cloud le decret qui la fait duchesse, elle prend un tabouret et vient s’asseoir devant les autres duchesse. Elle aurait alors dit “Ca vous étonne? Et bien moi aussi!”. Et lorsqu’une autre maréchale peu fidèle à son époux lui demande ironiquement si elle n’oublie pas par hasard qu’elle est duchesse, elle repond: “Je n’oublie jamais que je suis la femme de Lefebvre.
Napoléon lui-même apprendra à ses dépends qu’il ne faut pas se moquer d’elle. Un jour lui disant “comme vous êtes belle” il s’entendra répondre, “Et vous Majesté, comme vous êtes grande”.
Pour autant, elle pardonnera à l’empereur la mort de son fils chéri à la campagne de Russie. Elle reste tellement fidèle à l’empereur qu’elle raillera son mari quand il se ralliera aux Bourbons aux Cent Jours. De retour de l’île d’Elbe, Napoléon accordera à Lefebvre la retraite qu’il souhaitait alors que ce dernier se rapprochera de Louis XVIII. A partir de ce moment-là Catherine quittera son hôtel du Luxembourg et retournera rue Joubert. Elle perdra un autre fils puis son mari. Elle terminera ses jours dans le château qu’avait jadis acheté son mari à Pontault-Combault, aujourd’hui devenu mairie.
N’oubliant jamais ses origines modestes, elle aidera les démunis jusqu’à sa mort en 1935. Elle est inhumée au cimetière du Père Lachaise.
Madame Sans-Gêne
Véronique Proust