LES ATELIERS D’ART SACRE HISTOIRE
Ce mouvement artistique crée par Maurice Denis et Georges Desvallières ont surtout oeuvré dans la décoration des églises des années 20. En effet, après la Première Guerre Mondiale, la représentation religieuse change de couleur et devient plus sombre. Les visages des saints et du Christ se crispent davantage et reflète la douleur des soldats et la misère du monde. Il en ressort un grand renouvellement pictural et un genre réaliste et austère.
DEUX PIONNIERS CHRETIENS
En 1919 Maurice Denis et Georges Desvallières fondent les Ateliers d’Art Sacré pour former les artistes « à la pratique de l’art chrétien ». Cette démarche correspondait d’abord au caractère de ces deux artistes et amis. En effet, Maurice Denis, peintre chrétien, ne cesse d’admirer et de rendre grâce à Dieu pour les beautés du monde. Quant à Desvallières, il retrouve miraculeusement la foi après l’avoir perdu à l’adolescence.Par ailleurs, toute sa vie sera marquée par la culpabilité d’avoir emmené avec lui un fils mineur à la guerre où il fut tué rapidement. Cette mort sera son calvaire.
UNE ÉGLISE EN RECONSTRUCTION
Après la Grande Guerre, les relations entre le Vatican et l’État français s’apaisent. Dès 1920, l’Église catholique fait évoluer la liturgie et met en place de nouvelles formes d’évangélisation. C’est le cas de la création de la Jeunesse Ouvrière chrétienne en 1926, ou la Jeunesse étudiante chrétienne en 1936. Puis, à la suite de Paul Claudel, de nombreux écrivains chrétiens comme Bernanos, Mauriac ou Teilhard de Chardin viennent épauler cette action.
Dans ce cadre, l’Église entreprend la reconstruction de nombreuses églises détruites pendant la Guerre. Cette campagne qui se développe surtout dans le nord de la France, se poursuit dans le reste de la France et particulièrement en région parisienne. Enfin, la nomination du cardinal Verdier comme archevêque de Paris en 1929 va ouvrir ce qu’on appelle les « chantiers du cardinal ».
Dans ce cadre, les architectes repensent les volumes en créant des plans nouveaux aux résonances romanes ou byzantines. Enfin ils profitent des innovations techniques telles que le fer et le béton. Par exemple, le « béton invisible » permet d’assurer des structures solides aussi bien pour le plafond que et la charpente.
LES ATELIERS D’ART SACRE HISTOIRE
Pour palier le manque d’art religieux contemporain, Maurice Denis et Georges Desvallières conçoivent donc une sorte d’atelier liant la vie spirituelle à la vie esthétique. Ainsi la formation des artistes est placée sous deux autorités, l’une ecclésiastique et l’autre, artistique. Dans ce cadre, les élèves ont un esprit qui se rapproche du compagnonnage où l’esprit d’équipe prévaut sur les ambitions personnelles. Et pour créer un art nouveau, les artistes de cet atelier rejettent l’enseignement académique. Du reste, Maurice Denis le juge « théâtral ou fade » et même « à peu près nul ». Le maître s’oppose au réalisme et prône de la poésie avant tout.
Les artistes s’appliquent ainsi à adapter leur art sur ces nouveaux supports avec de nouvelles techniques comme le sgraffite. L’institution s’installe d’abord dans l’ancien atelier de Paul Serusier rue Joseph Bara, puis au 8 rue de Furstenberg.
UN ART TOTAL
Les disciplines enseignées sont très variées. La fresque est largement remise à l’honneur puisque l’Église passe des commandes de grands cycles peints. L’exemple le plus abouti est le décor peint de l’église du Saint Esprit de Paris . Mais on enseigne aussi le dessin, la sculpture sur bois, le vitrail, la céramique et même la broderie (nécessaire à la décoration des chasubles). De nombreux artistes auront de véritables carrières. Tel est le cas de Marguerite Huré qui réalise par exemple, les vitraux de l’église Notre-Dame du Raincy. Maurice Dhomme, céramiste talentueux, crée des décors très colorés comme la chaire de l’église saint Louis de Vincennes .
Henri Lemaistre qui dirigera à son tour l’école, est l’auteur des peintures du chemin de croix du collège saint Michel de Picpus. Il avouera à son entourage « mon travail est une prière ». Enfin, dans le sillage de ces réalisateurs, de véritables entreprises se créent, comme l’atelier de vitrail de Louis Barillet ou Jean Le Chevallier.
DE NOMBREUSES FEMMES
Plusieurs femmes ont appartenu à cet atelier, la guerre ayant fait disparaître de nombreux talents masculins. Valentine Reyre se distingue dans l’art de la fresque et du vitrail tout comme Marguerite Huré. Cette dernière met au point la fameuse ‘brique Huré », brique creuse blanche recevant des verres incolores à l’intérieur et colorés à l’extérieur permettant de créer des ambiances apaisantes. Marthe Flandrin nièce d’Hippolyte, collabore avec Elisabeth Faure à plusieurs cycles de fresques. Quant à Pauline Peugniez, elle s’illustre dans l’art du vitrail et collabore avec son époux, Jean-Hebert Stevens.
1947 : FIN DE L’AVENTURE
Malgré les commandes du cardinal Verdier, les ateliers décident de fermer en 1947. En effet, le cardinal n’est pas suivi par un clergé qui est mal formé sur le plan artistique. Les paroisses sont encore frileuses et s’arrangent avec des commandes classiques. De plus, certains milieux traditionalistes considèrent l’art de Maurice Denis comme « dégénéré ». Par ailleurs, une divergence de goût se crée au sein des théoriciens de la Revue d’art sacré. C’est le cas du dominicain Marie Alain Couturier qui tend à dénigrer le style du maître. Son goût se penche plutôt vers la grande peinture d’avant-garde comme celle de Matisse ou Picasso. Aujourd’hui l’art sacré de cet atelier connaît un regain de faveur, au point que qu’on commencent à restaurer les églises décorées par leur soins.