La Lettre de cachet, une justice révolue. Cette institution détestée des Français était plus compliquée qu’on ne le croit. Elle permettait à la justice d’agir plus rapidement pour éviter les procédures. Ce qui provoquait immanquablement des injustices.

UNE INSTITUTION IMPORTANTE

Les lettres de cachet étaient sous l’Ancien Régime, une demande d’incarcération signée par le roi, sans jugement ni procès. Elles étaient aussi par moment, le seul moyen que le monarque possédât pour diriger le royaume. Mais l’opinion française détestait cette pratique car elle considérait que c’était un abus du pouvoir de l’Etat. Ce fut quelques fois le cas, mais la majorité des condamnations étaient d’ordre administratives et judiciaires.

En effet, les juges ne pouvaient arrêter que par décret, les témoins n’étaient entendus qu’après avoir été assignés. Par ailleurs le ministre ne pouvait assigner qu’après avoir obtenu la permission d’informer. Pendant ce temps, le coupable s’enfuyait et récidivait à tous les coups. L’affaire suivante démontre un des très nombreux cas d’utilisation de ces lettres.

Un homme trompe sa femme avec une jeune fille qui dilapide l’argent du ménage et donne une très mauvaise presse à leur commerce.

UNE PROCEDDURE COMPLIQUEE

L’épouse sollicita d’enfermer la jeune femme par lettres de cachet. Mais le lieutenant de police Berryer préféra utiliser un moyen plus doux et de faire intervenir le curé de la paroisse. La jeune femme déménagea alors dans une autre paroisse où ses relations reprirent gaîment. L’épouse supplia le lieutenant de police car la faillite menaçait. Berryer reprit l’enquête et l’arrêt en 1751 par lettre de cachet. La jeune femme fut transférée à la Salpétrière. En d’autres termes, l’utilisation de la lettre de cachet n’était pas si facile et accompagnée d’une procédure compliquée.

Cependant certaines procédures furent rendues régulières et fixes mais ce qui est plus grave, c’est que leur procédure demeurait secrète. La raison en est que les lettres généralement demandées par les familles, étaient utilisées pour sauver son honneur. Et l’honneur d’une famille ne peut se traiter que dans le secret.

L’HONNEUR DU NOM

En effet, quand l’honneur de la famille est en jeu, les gens de naissance commune ou les gens de qualité sont aussi sévères les uns que les autres. Nombre de pères envoient leur fille en prison par lettre de cachet car ils considèrent que leur conduite a déshonoré la famille. Dans d’autres cas, c’est parce que la fille a refusé le mariage qu’on lui imposait. Parfois, d’autres pères se rétractent ou choisissent la prison. En l’absence du père c’est la mère qui fait la demande, sinon les oncles et les tantes.

En réalité les questions de mœurs occupent la plus grande partie des motifs de lettres de cachet.

Mais on l’utilisait aussi pour alléger les sentences du tribunal du Châtelet qui étaient d’une grande sévérité. Voltaire en parle en ces termes : Ils étaient les conservateurs d’anciens usages barbares contre lesquels la nature effrayée réclamait à haute voix…On punissait une étourderie d’un jeune homme comme on aurait puni un empoisonnement ou un parricide.

LE ROLE DES CURES

Les curés jouaient un rôle important : je réclame ma brebis écrit un curé au lieutenant de police. Il s’agissait d’une jeune fille qui s’était mise sous la protection d’un directeur d’opéra. Le lieutenant de police suggéra au curé de punir les parents mais ce dernier rappela qu’ils étaient pauvres. Le curé proposa alors que la jeune fille fasse un long séjour dans la communauté du Bon Sauveur. Le compte sur l’influence de la Supérieure pour sauver cette brebis égarée…

MARIS ET FEMMES

Les demandes par lettres de cachet par les époux étaient très nombreuses. Les motifs étaient presque toujours les mêmes. On y trouvait les fantaisies extra-conjugales, la dissipation des deniers de la communauté, les mauvais traitement. C’était toujours une question d’honneur. L’un des époux en prison, l’autre conserve le pouvoir de régler son régime et de le faire transférer dans un autre lieu. Il peut aussi proposer une libération. Mais il arrive que l’accusé lui-même demande de rester là où il est. En 1722 le lieutenant de police notait qu’un des prisonniers demandait à rester à l’hôpital le restant de ses jours assurant qu’il y serait plus heureux qu’avec sa femme…

LES ABUS

Ils furent nombreux car l’institution même de la Lettre de cachet était trop aux mains des institutions personnelles. Les abus viennent de tous les membres de la famille à commencer par les pères. Certains utilisent la Lettre de Cachet envers leur fille sous prétexte qu’elles refusent le mariage qu’on leur propose. L’on dispose d’un exemple d’une jeune fille qui échappa à la prison en séjournant au couvent de Meaux.

Mais la supérieure rédigea une lettre virulente en disant que la jeune fille était pieuse et qui plus est propre à prendre le voile. Mais le père désireux de jouir du bien que la jeune fille tenait de sa mère l’avait fait transférer à sainte Pélagie dans l’espoir qu’on l’y garderait ad vitam æternam. L’enquête prouva que le père avait menti, indiquant une fois de plus les abus des Lettres de cachet.

Le 16 mars 1790, sur l’initiative du roi, l’Assemblée Constituante effaça de nos lois cette institution d’un autre âge. En effet, elle était contraire à la justice. Il montrait aussi que le gouvernement de l’Ancien Régime était devenu incapable de de tenir le rôle qui lui incombait.