Berthe Morisot, peintre de la féerie moderne. Rare artiste féminine à faire carrière dans l’art, Berthe peint les êtres de son temps avec brio. Ses couleurs nacrées et ses silhouettes instables et lumineuses, servent à décrire un univers intime et féerique qui n’appartient qu’à elle.
Berthe naît en 1841. Elle est la troisième d’une famille de trois filles, Yves, Emma et Berthe. Cornélie la mère tôt mariée, aurait sans doute voulu être musicienne de métier. Edma et Berthe apprendront à peindre, et Yves jouera du piano. L’éducation de ces jeunes filles est aussi très soignée. Elles évoluent dans un milieu bourgeois, où la peinture est un passe-temps et non un métier. Par ailleurs, les femmes peintres ne peuvent suivre des cours à l’académie des Beaux-Arts. Si bien que pour devenir peintre, il faut entrer dans un atelier privée. Berthe, elle, entrera dans un atelier privé et pas des moindres : celui de Corot.
Plusieurs fois par semaine, Cornélie emmène ses filles au musée du Louvre pour qu’elle copient les maîtres anciens. Le musée est à la fois riche en collections, mais il est aussi un lieu de rencontre. C’est comme cela que Berthe rencontrera Eugène Manet. Dès lors, elle fréquentera l’atelier du maître, qui est à cette époque la coqueluche de la modernité et un pensionnaire régulier du Salon des Refusés. Là, elle elle se nourrit de la touche impressionniste, en brossant des silhouettes et des fleurs directement sur la toile.
Progressivement, elle acquiert une palette argenté, très fluide, qui donne à ses toiles une sorte de modernité féerique. Que s’est-il passé entre Édouard et Berthe, on ne sait rien. Mais l’artiste représente Berthe près de 11 fois. Il est attiré par sa beauté mystérieuse et ses yeux profonds. Si bien que lorsqu’elle épouse son frère, Eugène, contre son gré, Édouard cesse de la peindre. Eugène est un homme fragile mais il respecte sa femme et ne l’empêchera pas de peindre. Ce qui n’a pas été le cas d’Edma qui cessa de peindre après son mariage avec un officier de Marine.
Les jeudis, Mallarmé, Renoir, Degas, Paul Valéry viennent discuter peinture et littérature. Berthe accorde de l’importance aux échanges techniques, Renoir recommande des modèles. Mais le plus grand modèle de Berthe sera sa fille, Julie qu’elle portraiturera au jardin, avec ses jouets, en train de lire…
L’art de Berthe Morisot est d’abord instable et toujours dans la suggestion. Par ailleurs, elle cultive le « non finito » ce que la critique lui reprochera. Pour autant, elle manie avec brio le dessins, mais aussi le pastel, l’aquarelle et l’huile. Elle peint de nombreux paysages en y introduisant des figures aux silhouettes fragiles. A Nice, elle renouvelle l’art de la marine, en peignant le port depuis un bateau en mer et non depuis le port. Dans ce cadre, ses compositions sont toujours très soignées. Mais elle aime aussi renverser les rôles.
Ainsi, le portrait d’Eugène dans l’île de Whit le montre à l’intérieur, derrière la fenêtre, observant une mère et son enfant passer. Or cette place dans un intérieur privée, comme séparée du monde est surtout dévolue à la femme et non à son époux. Ainsi le thème de la fenêtre permet à l’artiste de jouer sur le « dedans-dehors » qui est un thème majeur, à l’heure où l’on commence à songer à la place de la femme dans la société.
Berthe Morisot, peintre de la féerie moderne.
Véronique Proust