Antonin Artaud …quand le théâtre et la poésie font rage. Cet immense auteur que l’on a souvent pris pour un fou est en réalité un visionnaire et un créateur de concepts. Celui du théâtre et son double, du théâtre de la cruauté mais aussi de la place du poète dans une société qui le rejette. Ainsi, on lui devra entre autre Van Gogh le suicidé de la société » et Pour en finir avec Dieu.
Né à Marseille en 1896, Antonin Artaud appartient à une famille de 9 enfants dont 3 seulement survivront. Son enfance est pourtant heureuse, mais dès l’âge de 4 ans il déclare des symptômes neurologiques qui inquiètent sa mère. Or, à cette époque les seuls moyens de traitements sont les électrochocs et l’enfance d’Antonin basculera dans la souffrance permanente. Après plusieurs traitements il se sent apaisé mais ne connaît le calme que sous l’emprise du laudanum, un dérivé de l’opium.
Il arrive à Paris en 1900 avec de grandes ambitions littéraires. poche, son premier recueil l’Ombilic des limbes, qu’il envoie à de nombreux éditeurs. Il écrit même à Jacques Rivière et rencontre Charles Pitoëff. Ce dernier le remarque et lui donne quelques rôles. Les deux auteurs ont en commun un très fort désir de révolutionner le théâtre afin qu’il ne soit pas joué mais vécu. Jacques Rivière veut bien le publier, mais pas ses textes, juste la correspondance qu’ils ont entre eux depuis peu.
En 1924, il rencontre Abel Gance qui lui donne le rôle de Marat dans sa fresque « Napoléon ». Mais si Artaud a de sérieux doute sur le cinéma comme l’ennemi de l’art vivant, il n’entrevoit pas moins l’esprit de cruauté qui émane du personnage de Marat. Cela le renvoie à la cruauté des empereurs romains tels Heliogabale, empereur sanguinaire et homosexuel. Artaud se pose alors la question du Genre mais aussi celle de la cruauté. Ainsi inventera-t’il le concept du théâtre de la cruauté.
En cela, il est visionnaire, car très peu de temps avant la dictature de la guerre et de la Shoah, il soulèvera la question de la banalité du massacre. Sa mère veut le soigner et il lui répond sèchement qu’il n’est pas fou mais juste un poète. Par ailleurs, les Surréalistes tels André Breton se rapprochent de lui. Mais Artaud est indomptable et refuse d’adhérer au parti communiste sous prétexte d’être un poète Surréaliste.
Au théâtre de l’atelier avec Charles Dullin, il donne des cours et met en scène des pièces que le public ne comprend pas. Belle aventure certes, mais redoutable échec. Pour autant, il propose une mise en scène où les acteurs se mêlent au public pour que ce dernier partage mieux les émotions. Il invente ainsi le concept de ce qu’on appellera plus tard le théâtre immersif.
L’exposition coloniale sera pour lui une révélation, au regard du théâtre dansé de Bali. Il prend conscience que le théâtre est un mouvement du corps et une technique de maîtrise de ces mouvements. Conscient que l’art occidental ne répondra pas à ses questions tourmentées, il part au Mexique. Là, il obtient du gouvernement mexicain une bourse pour étudier les indiens de Tahahumaras. Il y découvre ce culte pour un champignon, le peyotl, qui donne des hallucinations.
Pour Artaud, le culte du peuple mexicain est généré par son envie de connaître dans l’inconscience la vraie valeur de la vie. Artaud consomme ce champignon qui calme ses crises, mais il comprend aussi doublement ce que les Surréalistes recherchent : la vérité consciente dans l’inconscience. Il préfère s’éloigner d’eux : la question de la conscience ne ait pas parti du politique.
De retour en France après que le gouvernement mexicain l’ai remercié, Artaud n’a de cesse que de vouloir repartir. Ses expériences mystiques, alchimiques et ésotériques confortent son idée que le marxisme matérialiste n’apportera pas de réponse à l’homme sur sa substance réelle. Son âme bascule alors vers la mystique chrétienne et part en Irlande pour comprendre comment le christianisme de l’origine a pu émerger sur terre.
Mais Artaud perd pied, il ne paie pas ses auberges, ni ses hôtels. Il est accusé d’atteinte à l’ordre public et est ramené en France sous camisole de force. Jean Paulhan, son ami de toujours, négocie un transfert à l’hôpital de Rodez. Mais Artaud qui refuse, y est transféré de force, au désespoir de sa mère et de Paulhan. 58 électrochocs et une thérapie suivie par le docteur Ferdière auront raison de ses déraisons. Ferdière le pousse à dessiner et écrire. Entre en scène Paule Thévenin qui lui obtient un contrat avec Gallimard.
Antonin Artaud l’accuse de lui voler ses manuscrits et dessins, qu’elle léguera en 1993 au centre Pompidou. Mais le poète sombre dans un délire de persécution qui complique la vie de tous ceux qui l’accompagnent. Van Gogh le poète suicidé devient son double. En 1947, André Breton organise une conférence qu’Artaud doit assurer au théâtre du Vieux Colombier. Elle est très attendue. Dans un état de délabrement absolu et magnifique à la fois, le poète décrit l’Histoire vécue d’Artaud-Momo.
Mais il est si malade qu’on doit l’exfiltrer dans un hôpital. Là, les médecins diagnostiquent un cancer du rectum inopérable. Il décédera le 4 mars 1948