Saint-Simon et le saint-Simonisme
Le comte de saint-Simon
Fortement marqué par l’esprit des Lumières, le comte de saint-Simon naît à Paris en 1760. L’Encyclopédie façonne sa formation et sa pensée, celle de la libération de l’homme par les sciences. En effet, seul le progrès de l’industrie peut rompre l’ancienne structure féodale de l’exploitation d’une majorité de pauvres par une minorité de oisifs. Il s’agit d’opposer aux « propriétaires rentiers » les « producteurs », une nouvelle masse, celle du Tiers-Etats qui deviendrait la « classe industrielle ».
Par ailleurs, après la Terreur et les guerres napoléoniennes, Saint-Simon veut une société pacifiée. De nouveau, ce sont pour lui, les sciences et la technologie qui peuvent aider à une société meilleure. En effet, elles sont là pour servir une nouvelle société basée sur le progrès au lieu de l’exploitation de l’homme par l’homme. Pour lui les sciences sont une véritable religion. C’est ce qu’il expose en 1803 dans son ouvrage « Lettres d’un habitant de Genève à ses contemporains ».
Une nouvelle société
Ainsi, la société de type féodal comprenant une noblesse rentière et des paysans exploités est remplacée par une nouvelle société gouvernée par des scientifiques. Partant du principe que chaque classe produit une élite, c’est cette dernière qui doit gouverner puisqu’elle est savante. C’est du reste, de ce principe que naîtra l’idée de méritocratie à la française où chacun selon ses capacités, peut accéder à un poste dans le fonctionnement de la société.
En 1817, Saint-Simon se dote d’un nouveau secrétaire particulier, Auguste Comte, avec qui il collabore jusqu’en 1824. L’année suivante, Saint-Simon décède en laissant un testament idéologique où ses propositions de société deviennent une sorte de religion tel un « Nouveau Christianisme ». Dans ce cadre, naissent des idées humanistes telles que la rencontre entre l’Orient et l’Occident. La construction du canal-de-suez en est un vivant exemple. (1)
Les saint-Simoniens
Sous la monarchie de Juillet, de nombreux intellectuels et scientifiques adhèrent aux idées saint-Simoniennes. A commencer par l’élite intellectuelle et savante, professeur en Sorbonne, polytechniciens, ingénieurs. Auguste Comte et Prosper Enfantin tous deux polytechniciens en sont les adeptes les plus actifs.
En 1830 les dirigeants du mouvement s’installent au 6 rue Monsigny. Ils y fondent une sorte de clergé composé de 16 membres. En signe de fraternité, on boutonne sa veste dans le dos. Ainsi ont lieu des conférences tous les jeudis et une élite littéraire y assistent tels George Sand Berlioz et Liszt. La presse y participe. Ainsi, le journal Le Globe publie des articles de sainte-Beuve. Il y prône une sorte de libéralisme romantique qui séduit Victor Hugo, et Marie-d’Agoult.
Car les femmes adhèrent au mouvement parce que le saint-Simonisme prône l’égalité entre les hommes et les femmes. Et c’est dans ce cadre que la tension monte lorsqu’il s’agit de trouver une « Mère » capable de diriger le mouvement aux côtés des deux « Pères » Bazard et Enfantin. Par ailleurs, ce dernier prône une liberté amoureuse qui froisse les défenseurs du mariage. Le schisme devait arriver en 1831 .
Alors, Prosper Enfantin se retire avec ses adeptes sur les collines de Belleville et Ménilmontant. Là, dans une belle demeure du XVIIIe siècle, les saint Simoniens se retrouvent pour élaborer une religion nouvelle. Prosper Enfantin ne réunit que les hommes car il considère qu’il est encore trop tôt pour envisager l’émancipation des femmes. Le jardin et la maison close s’ouvrent le dimanche seulement aux parisiens qui viennent en curieux.
Très vite, la suspicion monte. En effet, le gouvernement craint ces réunions idéologiques et soupçonnent leur protagoniste de mœurs déviées. Un jour le commissaire frappe au portail. Enfantin, Chevalier et Duveyrier sont arrêtés et condamnés à 1 an de prison.
Mais ce n’est pas cette condamnation qui éteindra les feux de l’action du mouvement. En effet, le saint-Simonisme a influencé le socialisme et de nombreuses idéologies politiques contemporaines.
(1) : Le Siècle des saints-simoniens, du Nouveau christianisme au canal de Suez. Sous la direction de Nathalie Coilly et Philippe Régnier