Ninon de Lenclos une salonnière du Marais. Cette ancienne courtisane est devenue ‘une des femmes les plus en vue du Marais littéraire. Son salon de la rue des Tournelles réunit les esprits les plus brillants du grand Siècle. Loin d’être une “bas bleu”, elle entend renouer avec la philosophie épicurienne et profiter délicatement de l’amour et de la vie.
Anne de Lenclos dite Ninon, est née en 1623. Elle est la fille d’un gentilhomme de Touraine libertin et érudit qui fut emprisonné pour une sombre histoire d’adultère et de meurtre. Il profita donc bien peu de sa fille, mais il eut le temps de la détourner des lectures religieuses au profit de romans et de livrets philosophiques. Il l’a aussi encouragé dans la musique : la jeune fille jouera merveilleusement du luth et du clavecin. Sa beauté et son intelligence feront le reste.
Le départ du père laisse l’épouse et la fille dans une misère telle qu’Anne entame une carrière de courtisane. On lui connaît un grand nombre d’amants parmi lesquels le marquis de Villarceaux et le Grand Condé . Elle les trie sur le volet en les divisant en trois catégories : les payeurs, les martyrs et les caprices.
Anne devenue Ninon apprend aussi à jouir de la vie et profiter des plaisirs qu’elle lui offre. Imprégnée des idées libertines, elle répugne à respecter la tristesse et la pénitence prônées par l’Église. Cette libre penseuse qui a le goût du blasphème est aussi surveillée par le parti dévot qui la surprend un jour à manger gras en plein Carême. Occasion rêvée pour Anne d’Autriche qui la soupçonne de fronder, pour l’enfermer aux Madelonnettes puis à Magny.
Un grand vide se crée dans les salons précieux. Madame Scarron lui envoie un billet Revenez belle Ninon, et vous rassemblerez les grâces et les plaisirs.
Ninon revint en effet et ouvrit un salon littéraire.
Ainsi, elle accueille rue des Tournelles Racine et la Fontaine , Fontenelle, madame de la Sablière, Mignard et Boileau ainsi que la marquise de Sévigné, bien qu’elle lui ait « emprunté » quelque temps son époux. On y rencontre également Christine de Suède attirée par son esprit mais aussi par sa beauté. Son salon devient très vite recherché et on intrigue même pour pouvoir y entrer. On y joue de la musique, on commente l’actualité.
On trouve surtout des libres penseurs qui aiment à blasphémer, ce qui horrifie la marquise de Sévigné. L’épistolière écrie à sa fille : Mais qu’elle est dangereuse cette Ninon. Si vous saviez comme elle dogmatise sur la religion, cela vous ferait horreur !
Ninon de Lenclos une salonnière du Marais
En réalité Ninon est un esprit supérieur, « un esprit fort » dirait-on. Si elle a choisi de vivre en liberté, elle tient aussi à avoir l’esprit libre. Ses lectures sont nombreuses et ses avis fort judicieux. Elle accueille Molière et lui demande de lire son Tartuffe en public après qu’elle ait corrigé les premières versions. Elle l’encourage comme elle encouragera plus tard le jeune Voltaire à qui elle léguera une somme conséquente pour qu’il s’achète des livres. Cela ne l’empêche pas d’avoir des amants et de partager même quelques grivoiseries avec les hommes. Elle raille avec eux l’abbé de Bois-Robert lorsqu’il avoue aimer les beaux garçons. Maurepas lui-même lui dédit cette célèbre épitaphe:
On ne verra de cent lustres
Ce que de nostre temps nous a fait voir Ninon
Qui s’est mise en dépit du con ,
Au nombre des hommes illustres.
Car Ninon est véritablement maîtresse de sa vie et sa philosophie épicurienne révolutionne la vision de l’amour. En effet, loin d’être une précieuse que l’on doit courtiser éternellement sans avoir de retour, elle privilégie les satisfactions immédiates et sait même transformer ses anciens amants en amis véritables. Charles de Sévigné continuera à la voir après qu’elle l’eut éconduit pour « froideur amoureuse ». Il deviendra l’amant de la Champmêslé, actrice fort appréciée dans la troupe de Molière. Mais après une déconvenue qui fit dire à sa mère, la marquise de Sévigné, Son dada demeura court à Lerida, Charles fut délaissé par l’actrice qui ira se consoler dans les bras de Racine.
Ninon aime l’amour et l’esprit et ce, jusqu’à la fin de sa vie. Là, elle bénéficiera de l’amitié de saint Evremond qui lui écrira de ne point regarder la vieillesse et de conserver son amour de la vie. Elle mourra octogénaire le 17 octobre 1705.