La grande Mademoiselle et le duc de Lauzun. Elle est la fille du duc d’Orléans et la cousine du roi. Il est un courtisan caractériel et entouré d’ennemis. Mais l’amour que lui porte la Grande Mademoiselle défrayera la chronique à l’annonce de leur mariage en 1670.
Un courtisan particulier
Né en 1633, Lauzun est en 1669, lieutenant général à qui Louis XIV vient de donner le commandement de la conquête des Flandres. Selon le duc de saint-Simon, Lauzun était « un petit homme blondasse, bien fait dans sa taille, de physionomie haute, plein d’esprit, qui imposait, mais sans agréments dans le visage à ce que j’ai ouï dire aux gens de son temps. Plein d’ambition, de caprices, de fantaisie, jaloux de tout, voulant toujours passer le but, jamais content de rien, sans lettres… »
De plus, ayant demandé la charge de grand-maître de l’artillerie à madame de Montespan, il vérifia le soutien de la dame en se cachant sous son lit alors qu’elle était avec le roi. Ainsi, il put entendre tout le mal que la Montespan pensait de lui. Aussi, le lendemain, lui proposant de la conduire à la répétition du ballet de Flore, il lui demanda où en était sa requête. Elle lui répondit que l’affaire était très positive. Lauzun lui dit alors tout bas à l’oreille les pires insanités tout en la traitant de menteuse.
Par la suite, Lauzun fit une autre scène au roi qui fut transporté de colère. Rien ne dit si le courtisan fut enfermé à la Bastille mais il est sûr qu’il obtint le lendemain la charge de capitaine de Garde. Par ailleurs, Lauzun attirait à lui toutes les dames de la Cour et il n’est pas étonnant que Mademoiselle l’ait aimé aussi.
Une femme amoureuse
En 1670, la Grande Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans dispose de cinq cent mille livres de rente ce qui fait d’elle l’une des plus grandes fortunes de France. Si elle avait rêvé jadis d’épouser Louis XIV elle n’en fut pas la plus grande frondeuse durant sa minorité. Mais le roi lui avait pardonné. En revanche, il avait aussi remarqué que le cœur de Mademoiselle sa cousine, penchait vers Lauzun. En effet, un jour au château de saint Germain elle fit glisser à l’heureux élu un papier où elle avait écrit : c’est vous ! Ce à quoi Lauzun répondit le dimanche : Quoi, vous voudriez épouser un domestique de votre cousin germain ?
On connaît le poème de madame de Sévigné : je vais vous mander ici la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse…Mr de Lauzun épouse dimanche au Louvre devinez qui ? A cette devinette les salonnières qui l’accompagnent évoquent Melle de la Vallière ? Melle de Retz ? Melle de Colbert ? Vous n’y êtes pas ! Il épouse dimanche au Louvre, avec la permission du roi Mademoiselle de….Mademoiselle ! On venait de citer ici des princesses de sang qui avaient toutes épousé de simples gentilshommes.
On comprend la colère de Condé qui refusait qu’on accorde Mademoiselle à ce cadet.
Une semaine agitée
La colère monte. Le mardi 16 décembre, au Luxembourg, de nombreux cadets se présentent chez la Grande Mademoiselle. Tous préviennent Mademoiselle des défauts de l’élu de son cœur. Les princes de sang et tous les ennemis de Lauzun se déchaînent. Au soir, le conseil le plus pertinent vint du maréchal de Rochefort : Au nom de Dieu, mariez-vous plutôt aujourd’hui que demain. Au comble du bonheur où vous êtes, vous pouvez tout craindre.
Le lendemain, le contrat est signé dans un petit cabinet. Il stipule la donation à Lauzun du duché de Montpensier, de la principauté de Dombes et d’autres paieries pour une valeur de 22 millions. Le lendemain madame de Sévigné rend visite à Mademoiselle au Luxembourg. Cette dernière écrit dans son lit et fait asseoir l’autrice dans sa ruelle. Madame de Sévigné conseille à Mademoiselle de ne point tarder dans le dénouement de l’affaire. Savez-vous qu’un si grand retardement donne l’occasion à tout le royaume de parler ?
Mademoiselle ne voulant pas se marier un vendredi, décida alors que le mariage se ferait le jeudi. Mademoiselle irait le matin à confesse. Lauzun en ferait de même. Colbert porterait le contrat de mariage à signer au roi. Vers 5 heures, Lauzun arriverait à Charenton et le curé les bénirait. Mais il en fut autrement. A huit heures un gentilhomme ordinaire du roi vint lui annoncer que Sa Majesté l’attendait aux Tuileries, chez madame de Montespan. Nul doute que la maîtresse du roi soit encore en train de trahir Lauzun.
Mais c’est le roi qui prend les choses en main. Je suis au désespoir de ce que j’ai à vous dire. Il sait qu’on l’accuse dans le monde de « sacrifier sa cousine pour faire la fortune de monsieur de Lauzun ». Mademoiselle se jette aux pieds du roi, lui, fait de même. Ils pleurent tous les deux et le roi lui reproche d’avoir donné le temps de faire des réflexions. Le roi sait pleurer le temps qu’il faut. Puis il raccompagne sa cousine à la porte.
Clap de fin.
La Grande Mademoiselle resta éplorée pendant des mois. La Montespan se vengea en suggérant au roi d’enfermer Lauzun à Pignerol. Ce qu’il fit. Lauzun resta 10 ans en prison et fut libéré moyennant le don par Mademoiselle d’une partie de sa fortune au duc du Maine. En retour, le roi l’autorisa à épouser Lauzun secrètement. Mademoiselle mourut en 1693. Lauzun eut l’audace de porter son deuil, épousant à soixante deux ans Geneviève de Durfort qui n’en a pas quinze. Lauzun vivra encore trente ans, narguant ainsi toute la cour qui voulait le voir disparaître à Pignerols.
La grande Mademoiselle et le duc de Lauzun.
Véronique Proust