Camille de Soyecourt carmélite émérite. Cette jeune femme issue de l’aristocratie traversa la Révolution non sans mal. Mais sa pugnacité lui permit de retrouver la fortune familiale confisquée par la Révolution. Fortune qu’elle consacra à la restitution de l’ordre des Carmes.
Il existait jadis rue de Grenelle, le couvent des Carmélites Déchaussées. Transformé en caserne en 1792, il fut détruit en 1828 pour lotir le quartier. C’est dans ce couvent qu’entra en 1784 une jeune fille d’une des premières familles du royaume: les Soyecourt. Ses parents désespérés ne purent assister à la prise de voile de leur Camille bien décidée à vivre en recluse dans ce couvent austère.
En 1792, l’Assemblée décide la suppression des ordres religieux. Et en dépit des massacres des Carmes voisins, les religieuses continuent à réciter les offices et prier pour les hommes. Mais le 2 septembre, deux commissaires entrèrent dans le couvent et ordonnèrent aux 31 religieuses de quitter les lieux. Ainsi, les religieuses se dispersèrent après avoir erré dans des rues qu’elles ne connaissaient pas. Certaines se réfugièrent dans une maison de Cassette.
Camille et quelques autres sœurs se réfugièrent dans une petite maison de la rue Mouffetard et continuèrent à réciter des offices. Des prêtres réfractaires déguisés venaient les rejoindre clandestinement. Mais un voisin dénonça Camille et les 5 soeurs et les commissaires les enfermèrent à la prison de Sainte Pélagie. Ce fut le jour de Pâques. Camille n’en sortit qu’à la Pentecôte et reprit à contrecœur le chemin de l’hôtel de Soyecourt. Là, elle vécut avec ses parents quelques mois avant qu’ils ne soient arrêtés.
Camille s’enfuit de l’hôtel, vécut dans une suspente quelques mois tout en continuant à prier. Sa misère était si grande qu’une sœur converse vint se joindre à elle. Mais comme la Terreur se faisait de plus en plus menaçante, elle s’enfuie aux Moulineaux, se rendant chaque jour à Paris pour se confesser selon la règle. Un jour, passant devant la rue de Vaugirard, elle entendit la sentence condamnant son père à l’échafaud ainsi que plusieurs autres membres de sa famille. Aussi recueillit-elle son neveu et lui servit de mère quelques temps. Mais, atteinte d’une affection au cœur, elle dut quitter la ferme des Moulineaux.
Ainsi, Camille alla demander à la Municipalité un endroit pour loger. On lui donna une maison inoccupée où elle attira une autre religieuse qui avait survécu. Or, cette dernière possédait dix louis: un trésor! Ainsi, elle se mit très vite à reconstituer le carmel dans un hôtel situé rue des Postes à Mouffetard. Puis à la fin de la Terreur elle se rendit chez tous les juges et notaires qui purent l’entendre réclamer l’immense fortune de ses parents. Elle en obtint la restitution et acheta rue saint Jacques une grande maison à l’enseigne de la vache noire. Puis elle refonde le carmel de France rue de Vaugirard, rachète l’église et les bâtiments qui avaient servi de prison pendant la Terreur.
Ainsi les carmélites revinrent s’installer dans leur couvent. Camille prit pour cellule celle que son père avait occupé durant 5 mois avant de périr sur l’échafaud. Enfin, elle vécut là durant 45 ans, non sans difficultés. Tout d’abord les ordres religieux étaient encore menacés. Camille se battit et une lettre captée par la police de Fouché l’accusa de soutenir l’excommunication de l’empereur. Alors on l’exila à Guise. De suite l’aristocratie se souleva, visitant régulièrement le couvent des Carmes et mettant le préfet dans l’embarras.
La Restauration mit fin à son exil. Et lorsqu’elle revint aux Carmes, on lui annonça la création d’une école ecclésiastique. Camille céda et acheta l’ancien couvent des Bernardines rue de Vaugirard (aujourd’hui couvent de la Visitation). Elle y termina ses jours aveugle et totalement sourde. Son corps très affaibli n’était que “prétexte pour qu’une âme reste sur la terre”. Elle mourut le 9 mai 1849 à 92 ans. On l’enterra dans la crypte de saint Joseph des Carmes.
Véronique Proust