Léonce Rosenberg dans son appartement. Ce galeriste exposa Picasso, Braque, Chagall, Matisse, Picabia, Léger et Chirico… dans sa galerie « l’Effort Moderne ». Il complète ainsi le soutien indéfectible que sa famille a donné aux artistes de l’avant-garde. Nous pensons d’abord à son père Alexandre et son frère, Paul qui fut l’un des grands marchands de Picasso..
Tout commence avec Alexandre Rosenberg, marchand de grain originaire de Slovaquie qui, ruiné par une cargaison avariée décide de devenir antiquaire. C’est ainsi qu’il ouvre une galerie d’antiquités avenue de l’Opéra où il vend quelques toiles qu’il achète à Drouot. Or dans les années 1870, les impressionnistes n’impressionnent pas. Aussi achète-t’il une toile de Sisley pour 87,50 Francs, puis un Van Gogh pour une somme tout aussi modique. Il fait la connaissance d’autres peintres comme Monet, Renoir, Cézanne…Sa passion pour l’art le dévore au point de transmettre son virus à ses deux fils, Paul et Léonce.
Léonce fait d’abord ses études au lycée Rollin. Puis il poursuit une formation commerciale à Amsterdam et Londres tout en étudiant l’histoire de l’art. De retour à Paris en 1906, il travaille avec son frère Paul dans la galerie paternelle dont ils viennent d’hériter. En 1910, il ouvre sa propre galerie qu’il appelle Haute Époque. Il expose d’abord des pièces archéologiques et des miniatures médiévales. Il se spécialise surtout dans la peinture ancienne. Mais très vite, il se tourne vers la modernité et achète des toiles de Van Gogh, Cézanne et Gauguin. Puis il découvre l’art abstrait et le cubisme.
En 1912 il entre dans la galerie du marchand Kahnweiler et achète pour le compte de ce dernier et pour lui-même, des toiles cubistes. A la veille de la guerre en 1914, il possédait 15 Picasso, 10 Braque et 5 Juan Gris. A la déclaration de guerre, Kahnweiler étant allemand voit sa galerie et ses toiles confisqués pour cause de guerre. Il doit s’exiler en Suisse et c’est Léonce Rosenberg qui est chargé de l’expertise en vue de la vente. Par la suite, pendant la guerre, Léonce devient le principal distributeur d’œuvres cubistes. Il en vend surtout aux américains qui profitent de la guerre en Europe pour obtenir des toiles à prix réduit.
Léonce achète en même temps des toiles de Fernand Léger, Henri Laurens, Metzinger. Il est d’un soutien indéfectible auprès des artistes cubistes. A la fin de la guerre, sa situation financière est catastrophique mais ca ne l’empêche d’ouvrir une nouvelle galerie au 19 rue de la Baume : l’Effort Moderne. Là, l’art ancien et les Primitifs sont remplacés par des toiles cubistes. L’activité de la galerie est très diverse. Les expositions sont étoffées de catalogues publiés par la propre maison d’édition de la galerie.
Par ailleurs, il organise des matinées littéraires avec Blaise Cendrars, au milieu de toiles de Fernand Léger. Puis Léonce Rosenberg soutient des artistes européens issus de mouvements très différents. Par exemple, il signe un contrat avec l’artiste italien Severini. Puis il accueille à bras ouvert Piet Mondrian, à peine reconnu par le Salon des Indépendants. Ainsi, la galerie de l’Effort Moderne expose régulièrement ses œuvres entre 1921 et 1927. Mais Léonce signe des contrats à condition qu’il en ait pleine propriété et exclusivité. Et il aime tant le cubisme qu’il pousse les artistes à rester dans cette mouvance alors que leur style évolue considérablement après la guerre. Si bien que nombreux rompent leur contrat.
Pour autant, Léonce soutient des artistes nouveaux tels Picabia. Naît entre eux deux une longue amitié couronnée par le décor de Picabia réalisé dans son appartement du 75 rue de Longchamp. C’est là que dès 1928, le collectionneur déménage sa collection personnelle. Il commande aussi des œuvres à Fernand Léger et de Chirico pour décorer son appartement. Par la suite il déménagera à plusieurs reprises, au 20 rue Spontini en 1933. Puis il s’installera au square du Tarn en 1934. Mais la montée du nazisme aura raison de lui. Suite aux lois antisémites de 1941, il doit fermer sa galerie.
Une grande partie de sa correspondance est conservée au centre Pompidou. Elle révèle l’importance des relations qu’il avait avec les peintres et les artistes qu’il a exposé dans sa galerie.