Jean Siméon Chardin peintre du quotidien et de l’intimité. Cet artiste du XVIIIe siècle qui n’a pas suivi le cursus des peintres académiques , les surpasse tous dans son genre. Scènes intimes et familiales, portraits d’enfants et natures mortes ont une conception si sobre qu’elles en sont intemporelles…analyse
Chardin naît en 1699 dans une famille d’artisan. Ses goûts précoces le poussent à s’adonner à la peinture. Mais faute de moyens financiers, il ne suit pas le cursus académique. En effet, il suit l’enseignement de Pierre Jacques Cazes et Noël-Nicolas Coypel, et devient en 1724 un « maître peintre » à l’Académie saint Luc. N’ayant pas de possibilité d’exposer par les voies classiques, il expose « la Raie » sur le Pont Neuf. Toile que remarque Nicolas Largillierre qui descelle la surprise de cette cohabitation entre le vivant, à gauche de la toile (le chat) et à droite, l’inanimé (cette raie morte ).
Encouragé par cette remarque, Chardin réalise une magnifique nature Morte, Le Buffet qu’il présente à l’Académie Royale de peinture et de sculpture. L’académie reçoit cette toile en 1728 comme « peintre d’animaux, de Batterie de cuisine et de différents légumiers ». Chardin s’installe comme peintre de ce genre à Paris. En 1731 il épouse Marguerite Chaintard qui décède en 1735. L’artiste s’adonne alors aux scènes intimes et familiales et aux portraits d’enfants. Ses compositions sont surprenantes de sobriété et de composition géométriques. Il s’agit de la mère qui éduque sa fille dans la cuisine ou de l’enfant seul qui joue aux cartes, coiffé d’un tricorne.
En 1744, Chardin épouse Françoise Marguerite Pouget, et devient conseiller à l’Académie et même trésorier en 1755. Il se lance dans une très belle production de nature morte. En 1755 il bénéficie d’un appartement au Louvre et est considéré non pas comme un « Peintre de genre » mais un « Grand maître ». Il a désormais des commandes de Mesdames, filles de Louis XV, ainsi que de Catherine de Russie.
Diderot qui soutint de façon infaillible Chardin avait à propos de La raie « c’est dégoûtant mais c’est de la chair de poisson, c’est sa peau, c’est son sang ». Et Chardin eut un grand succès de son temps auprès des amateurs. En effet, on le considère aujourd’hui comme le premier des modernes parmi les anciens. Et cette modernité tient certainement de la sobriété de sa peinture et de ses compositions, ce qui la rend intemporelle.
En effet, ses natures mortes sont constituées d’objets très simples qui nous offrent une émotion silencieuse autant par leur disposition que par leur valeur intrinsèque. Les scènes intimes et familiales et les portraits d’enfants ont une telle sobriété qu’ils inspirent la méditation. Voilà pourquoi Chardin révolutionne l’art de la nature morte et se détache totalement des maîtres hollandais.
Chardin utilise avec un travail inouï de mélange et d’équilibre toute sorte de couleur. Mais celle qui maîtrise le mieux est sans doute le blanc.
A la fin de sa vie sa vue baisse et il ne s’adonne plus qu’au pastel. Ce qui ne l’empêche pas d’en révolutionner la technique. En effet, il nous laisse plusieurs autoportraits émouvants, que nous ne cessons d’admirer.