Marie Bashkirtseff une comète ukrainienne dans la peinture moderne française. Cette conférence permettra de découvrir cette grande artiste mais aussi sa lutte pour la reconnaissance des femmes peintre à la fin du siècle dernier.
Je voudrai être homme. Je sais que je ne pourrai devenir quelqu’un mais avec des jupes, où voulez-vous qu’on aille, le mariage est la seule carrière des femmes. Voilà ce que constate Marie Bashkirtseff à l’âge de 20 ans. Cette déclaration met en lumière sa lucidité sur la condition féminine.
Par ailleurs, cette artiste ukrainienne née en 1858 à Gavrantzi, à quelques kilomètres de Poltava a eu une carrière extrêmement courte. En effet, elle meurt de la tuberculose à Paris à l’âge de 25 ans en 1884. Se sentant condamnée, elle écrit très tôt un journal dont nous tirons ici l’essentiel de nos sources. Il nous parle des difficultés qu’elle rencontra pour réussir sa carrière d’artiste.
Issue d’une famille d’aristocratie provinciale, Marie passe une une partie de son enfance à Tchernakovka dans le domaine de sa famille maternelle, les Bababine. A cette époque, l’Ukraine connaît un grand développement économique. D’une part elle produit des betteraves et du blé en quantité, mais elle développe aussi ses capacités minières et sa métallurgie.
Ainsi, une conscience nationale se développe contre le joug russe et se perçoit à travers une peinture nationale folklorique. La famille de Marie quitte le domaine pour mener une vie itinérante en Europe. Ainsi, de Vienne à Baden-Baden puis Genève, les Bashkirtseff se retrouvent à Nice. Une partie de la famille demeure au domaine pour l’exploiter, fournissant les revenus qui permettront à Marie de vivre.
Marie qui désire être artiste arrive à Paris pour se former. Elle voulait être cantatrice mais sa santé l’en empêche. Voilà pourquoi elle se tourne vers la peinture. Mais les Beaux-Arts n’ouvrent pas leurs portes aux femmes. En revanche, de nombreuses académies privées accueillent les hommes et les femmes de toute nationalité. Marie choisira l’académie Julian et y restera 7 ans. Et elle assure que c’est le seul atelier sérieux de la capitale. C’est avec son tableau l’Académie Julian qu’elle obtient son premier succès en 1881.
Elle décrit dans son journal l’émulation artistique qui y régnait. Et c’est grâce à cette liberté de création qu’elle commence une carrière de peintre en 1877. Mais elle décrit aussi son manque de liberté. Sa condition sociale l’amène à être accompagnée dans tous ses déplacements y compris lorsqu’elle va copier au Louvre. Ce que j’envie , dit-elle dans son journal, c’est la liberté de se promener tout seul, d’aller de venir,…Vous croyez qu’on profite de ce qu’on voit quand on vous accompagne?…Il faut attendre sa voiture, sa demoiselle de compagnie ou sa famille…
Dans son autoportrait de 1883, elle se met en scène comme une artiste et s’affirme comme peintre. J’ai mis mon col Robespierre dit-elle dans son journal, sans lequel ce n’est jamais vraiment moi…Mais c’est aussi mon costume d’intérieur et de solitude. Se sentant condamnée, elle crie constamment son amour de la vie. Mais dans ses toiles, les personnages respirent la fragilité et la grande sensibilité. Son style est cru mais pas choquant. Elle n’hésite pas à écrire des lettres anonymes à Maupassant. N’allez pas penser que je sois remplie de tendresse ridicule écrit-elle à Zola.
En peu de temps Marie Bashkirtseff peint des toiles remarquables, chargées d’émotion, présentant volontiers les oubliés de la société comme les enfants, les femmes et les ouvriers. Voyageant souvent entre l’Ukraine et Paris, elle demeure une figure incontestable de la modernité française de la peinture des années 1880