Gérard de Nerval un poète maudit. Cet immense écrivain était un romantique voyageur qui a écrit des chefs-d’oeuvre tels que Sylvie, Aurélia ou Pandora. Plusieurs ombres planent sur son existence. Etait-il vraiment fou ? S’est-il réellement suicidé ? Les avis sont partagés. Mais il nous reste surtout son œuvre immense à découvrir aujourd’hui.
Gérard Labrunie, alias Gérard de Nerval est né en 1808. Il ne connaîtra pas sa mère qui meurt en accompagnant son mari militaire parti en guerre avec Napoléon. C’est donc son grand-père qui l’élève. Il fréquente le lycée Charlemagne où il se lie d’amitié avec Théophilie Gautier et se passionne très vite pour la littérature. Il fait partie du cénacle de Sainte-Beuve, participe au mouvement romantique et à la bataille d’Hernani. Nous sommes en 1830, c’est à la fois la révolution romantique et les Trois Glorieuses.
Il écrit des pièces à la manière de Victor Hugo et traduit à l’âge de 20 ans le Faust de Goethe. Il mène aussi une vie tapageuse au sein du Cénacle. En effet, les jeune-France, romantiques de l’époque vivent la nuit et font du chahut. Nerval fait même de la prison à sainte Pélagie. Mais il est convaincu de son art et crée en 1835 un journal de critiques théâtrales. Mais il y engloutit tout son héritage, n’ayant aucun talent à diriger financièrement une entreprise.
Il part en Italie et à son retour, Alexandre Dumas le fait travailler sur deux pièces Le prince des sots et Lara ou l’expiation. C’est alors qu’il rencontre l’actrice Jennie Colon et il en tombe éperdument amoureux. Ce sera une passion dévorante et à sens unique. Cette bascule de 1841 est très brutale, il a 32 ans. Dès lors ses propos paraissent étranges. Il prétend être le fils de Joseph Bonaparte. Il est interné puis relâché. On le trouve alors en train de se baigner dans les bassins des Jardins du Palais Royal. Un autre jour, il y promène un homard noué à un ruban bleu en guise de laisse.
Cela ne l’empêche d’écrire sans relâche ; De 1841 à 1852, il va expérimenter toute sorte de genre littéraire, romans épistolaires ou historiques. Il écrit aussi des contes et des romans parodiques reprenant et combinant différemment des textes qu’il a déjà publiés. Gérard de Nerval est un voyageur mais aussi un déambulateur. Jacques Bony signale qu’il est le grand poète de l’espace et du temps. Il est aussi celui qui met en lumière les rapports entre notre vie et le lieu où l’on est. Fils d’un militaire du Midi et d’une femme du nord, il prend conscience de sa dualité qui fait apparaître le spectre d’un double hostile. Ceci l’oblige souvent à écrire à la première personne et donc à se mettre à nu. Doit-il avouer sa folie ? Longtemps Nerval s’y est refusé.
L’année 1850 est à la fois fertile et difficile. Il écrit une pièce l’Imagier de Harleem qui ne rencontre pas le succès escompté. La pièce est retirée de l’affiche en janvier 1852. Gerard est hopitalisé de suite jusqu’en février. Puis il travaille sans relâche et publie la même année Contes et facéties, La Bohème galante, Lorely, souvenirs d’Allemagne, Les Illuminés, Les Nuits d’octobre. Puis il publie en 1853 Sylvie et c’est la rechute. A la fin du mois d’août il entre dans la clinique d’Émile Blanche à Passy, il va y passer 11 mois sur les 17 qui lui restent à vivre. C’est là qu’il écrit ses dernières œuvres, Pandora, Aurelia dans des conditions difficiles.
Dans Aurélia il écrit le rêve est une seconde vie (…) les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort. Il fait une introspection sur lui-même à travers des récits pathétiques. Aussi écrit-il clairement que Jennie, morte en 1842, était la femme de sa vie (ou de ses rêves). Ainsi la fragilité provoquée par cette disparition soudaine d’une femme qui l’a éconduit pour se rétracter ensuite, va ciseler une œuvre magnifique. Soigné dans la clinique du docteur Blanche à Passy il fait plusieurs rechutes et en sort malgré les réticentes du médecin. Et puis un soir, on le retrouve pendu à une fenêtre de la rue de la vieille Lanterne. Mais on pense aussi qu’il s’est fait assassiner à la suite d’une rixe et dans un endroit mal famé.
Gérard de Nerval un poète maudit.
Véronique Proust