Le Baron Gros, peintre romantique dans la tempête classique. Cet élève de David n’a jamais été tenté par le néo-classicisme. Considéré comme le peintre des batailles napoléoniennes il fut toujours incompris. En effet, sa peinture visionnaire évoque plus la légende napoléonienne que la mort des soldats. Et sa peinture fougueuse et ses grandes compositions ont influencé durablement la génération des peintres romantiques.
Le baron Gros, peintre romantique
Antoine Jean Gros demeura toute sa vie incompris. Né en 1771, il entre très vite dans le monde de l’art puisque ses parents sont miniaturistes. Mais ce type de peinture fait partie du passé. Le jeune homme au tempérament fougueux veux faire de la peinture d’histoire et les compositions de grand format. Il entre dans l’atelier de Jacques Louis David en 1785 et prépare le concours de peinture. Mais c’est son premier échec. Antiochus voulant contraindre Eléazar à manger un mets impur est refusé au concours des Beaux Arts qu’il passe en 1794.
David qui voit en lui un peintre de la modernité l’envoie alors en Italie où le jeune Gros rencontre Joséphine qui vient d’épouser Bonaparte. Ce dernier qui projette un musée Napoléon, lui demande de recenser les œuvres italiennes prises par la France comme trésor de guerre. De retour à Paris, il installe son atelier au couvent des Capucins et travaille aux côtés d’Ingres et de Girodet. Il présente plusieurs toiles aux Salons.
A celui de 1801 il expose Sapho à Leucate. Il y montre la poétesse grecque amoureuse de l’indifférent Phaon qui se donne la mort en se jetant dans la mer. Si le stoïcisme qui domine la pensée davidienne, envisage la vie et la mort comme « des choses indifférentes », Gros entend plutôt évoquer la liberté de l’homme de décider de vivre ou mourir. Ainsi, cette femme qui se jette à la mer, la main en avant et les cheveux au vent attire tous les regards au Salon de 1801. Avec l’ambiance nocturne et le thème du suicide, Gros se détache du classicisme de son maître. Il fait aussi basculer sa toile dans l’imaginaire romantique.
Ce que le jeune Gros a appris dans l’atelier de Jacques Louis David a été chamboulé par les œuvres qu’il a vu dans les musées italiens. En effet David lui a appris la rigueur du classicisme, la sobriété des compositions, l’épure. Mais en découvrant Michel Ange Le Titien et surtout Rubens, il comprend l’importance de la couleur et ses effets vibratoires et émotionnels.
Par ailleurs, il accompagne Napoléon qui le charge de peindre les hauts faits de son règne. Le jeune artiste trouve ainsi sa voie : peindre l’épopée napoléonienne, sa grandeur et sa gloire. Mais il ne restera dans les mémoires que le peintre des batailles.
Avec les Pestiférés de Jaffa Gros évoque la visite de l’empereur aux soldats français atteint de la peste en Syrie. Il se rappelle de la leçon de Rubens et utilise des couleurs chaudes pour décrire cette scène dramatique. L’empereur, main dégantée, touche les plaies d’un soldat infecté. L’artiste le compare ainsi indirectement au Christ et à Saint Louis et lui redonne ses lettres de noblesse. Au fond le drapeau français domine une citadelle syrienne plongée dans un brouillard orageux. Tout est dit dans cette toile premier chef-d’oeuvre du romantisme. En effet, on y trouve la composition théatrale, le drame, le sentiment romantique teinté d’exotisme.
Cette toile aura une grande influence sur les peintres romantiques à commencer par Delacroix avec sa toile intitulée les Massacres de Scio . Même représentation passionnelle de la mort et de la déchéance. Même paysage brossé dans un brouillard intense et dramatique.
Autre commande de l’empereur en 1808, Napoléon à la bataille d’Eylau. Cette toile pour laquelle Vivant Denon avait décrit expressément le type de composition et le nombre de figurants est de tonalité bien plus dramatique. En effet, la bataille a coûté la vie de près de 20 000 soldats et la France n’a gagné la bataille qu’à moitié. L’empereur, meurtri de tant de pertes est resté près de 8 jours à superviser les secours aux blessés. Mais la plus grande charge de cavalerie de l’histoire aura laissé derrière elle un vaste champ de cadavres et de ruines. Gros choisit une tonalité froide, teintée de gris et de bleu, à l’image du froid qui a envahi la plaine.
Le baron Gros peintre romantique
Mais tout bascule à la chute de l’Empire. L’empereur est exilé et ses mécènes disparaissent. En effet, Berthier se défenestre et Murat est exécuté en Italie. Son maître David doit s’exiler à Bruxelles. Il lui laisse son atelier en lui demandant de former ses élèves. Par ailleurs, il l’exhorte à réaliser son chef-d’oeuvre. La sentence est accablante, Gros se rend compte qu’il n’a pas été le peintre de l’histoire mais le peintre de Napoléon. Puis, incapable de devenir le chef de file de l’école romantique, il sombre dans la dépression. Et ce ne sera pas son épouse, Augustine Dufresne, avec qui il ne s’entend pas, qui le consolera.
Le changement de régime politique l’amène à faire des modifications. En effet, sur la coupole du Panthéon , il devait peindre la gloire de ste Geneviève dans laquelle figurait le couple impériale. La fresque commencée en 1811 ne sera achevée qu’en 1824. Et pour satisfaire Charles X, il a remplacé Napoléon par Louis XVIII et la duchesse d’Angoulème. Charles X satisfait le fait baron. Gros n’en demandait pas tant.
Le baron Gros peintre romantique
Pour répondre à la demande de son maître, Gros peint des scènes mythologiques mais elle reçoivent un accueil glacial. Des peintres tels que Girodet ou Gérard abandonnent son atelier. Par ailleurs, il souffre du succès d’Ingres. En 1835, il peint une grande scène mythologique très pompeuse et fort déplacée pour l’époque. Le romantisme s’était déjà déclaré et l’artiste était passé à côté. A propos de cette toile exposée au Salon, les critiques sont sévères. Charles Lenormand tirera le premier. Le public qui n’a plus la clé de la peinture mythologique de M.Gros, s’afflige et se comporte comme devant une grande ruine, dira-t’il. François Châtelain portera l’estocade : Gros au Salon de 1835, Napoléon à Waterloo !.
Ce sera sa dernière toile. Profondément blessé, maudit, marginalisé, Gros ne fut sans doute pas au bon moment au bon endroit. Cet artiste qui influencera toute la génération des romantiques ne le fut jamais et resta la proie de David et Napoléon. Le 25 juin 1835, il se jette dans la Seine.